Château CANON, Saint-Emilion 1er grand cru classé - 2020 magnum

Canon (Saint-Émilion)

Le vin

La première impression est terrienne, finement tourbée, puis exhale rapidement le cèdre. Quelques tours dans le verre et c’est le fruit qui explose; un nez mouvant, comme en apesanteur, entre terre et ciel, qui laisse deviner un haut niveau de complexité. La grande splendeur du millésime se révèle totalement en bouche; une attaque ample, et incroyablement juteuse, crémeuse sans s’alanguir. Bien au contraire, elle déploie une multiplicité d’arômes dans son élan : des fruits mûrs qui pinotent, framboise et griotte. Il y a aussi cette finale saline, longue et précise, qui porte la composition. Une note minérale et vivifiante, signature du plateau calcaire, qui vient clore la boucle et remet la fraîcheur au cœur.

Le brillant Canon 2020 semble prêt à surpasser les 2019 et 2016 en tant que meilleur vin de ce domaine depuis l'après-guerre, même si, comme beaucoup des meilleurs 2020, il nécessitera plus de patience que son homologue de 2019. Dans le verre, il déploie des arômes de cerise et de framboise mêlés à des notions d'épices exotiques et d'iris. Il est mi-corsé à corsé, profond et concentré, avec une acidité vibrante et des tanins crayeux magnifiquement polis. Pur et précis, il s'achève sur une longue finale qui met l'eau à la bouche. Ce vin magnifiquement construit communique l'essence de ce superbe terroir calcaire, et il vaudra la peine de faire un effort particulier pour le retrouver et le mettre en cave.
Ces dernières années, ce géant endormi s'est bel et bien réveillé, et le millésime 2020 représente le meilleur Canon produit depuis le début des années 1960. Une replantation extensive entre 1996 et 2003, supervisée par le prédécesseur d'Audebert, John Kolasa, a permis de remplacer environ 50 % des 22 hectares du domaine. Le fait que ces vignes arrivent aujourd'hui à pleine maturité explique sans doute en partie la renaissance contemporaine du Canon. L'équipe travaille maintenant à la restructuration du reste, en combinant des sélections massales et des clones. La viticulture est réfléchie, avec des cultures de couverture sur l'ensemble du domaine, et le terroir lui-même est relativement homogène : du calcaire solide recouvert de 0,25 à 0,7 mètre d'argile, avec une exposition plus ou moins uniforme sur le plateau de Saint-Émilion. Il y a également une petite parcelle dans le bourg et une autre à Berliquet. Aujourd'hui, le vignoble est planté d'environ 70 % de merlot et 30 % de cabernet franc, et il n'est pas prévu d'en changer radicalement. La vinification privilégie la finesse à la puissance, bien qu'une certaine richesse et une certaine texture puissent être considérées comme allant de soi sur un site comme celui-ci, et la maturation se fait dans 50 % de chêne neuf (principalement de Taransaud, Demptos, Sylvain et Quintessence). Aujourd'hui, l'accent est mis sur la précision et le raffinement, plutôt que sur la révolution. Et c'est bien ainsi, car pourquoi changer une équipe qui gagne ? (Guide Parker, millésime 2020, noté 100/100)

Another brilliant Saint-Emilion, the 2020 Château Canon actually reminds me of the 2019 with its pure, elegant, yet concentrated profile. Based on 68% Merlot and 32% Cabernet Franc, it reveals a deep ruby hue as well as classic upper plateau notes of perfumed red and black fruits (black raspberries, darker cherries), wildflowers, graphite, and chalky minerality. Medium to full-bodied on the palate, it has a seamless, elegant mouthfeel, perfectly integrated tannins and acidity, and flawless overall balance. As with the 2019, it's not the blockbuster style of the 2015, but it’s lively, elegant, and pure class. It needs 7-8 years of bottle age to hit maturity and will have 2-3 decades of overall longevity. (Jeb Dunnuck, millésime 2020, noté 97+/100)

Black cherries, fresh herbs, lemon rind, and violets on the nose. Crushed stone, too. Medium to full body with super fine tannins that run the length of the wine. It goes on for minutes. A great wine. Try after 2027, but already thoroughly gorgeous. A classical Canon. (James Suckling, millésime 2020, noté 98/100)

La presse spécialisée en parle

Il y a 250 ans, un corsaire passionné de terre fit construire Château Canon. Il y a 25 ans deux frères esthètes, épris de beauté, rachètent le château. Les Wertheimer, après avoir acquis Rauzan-Ségla à Margaux, se tournent deux ans plus tard vers la rive droite, reprenant Canon en 1996, puis en 2017 son voisin, Château Berliquet. Au fil des restructurations, et sous la direction de Nicolas Audebert, les cabernets francs deviennent plus conséquents jusqu’à composer 30 % de l’encépagement et de l’assemblage. L’homogénéité parfaite du vignoble sur les calcaires à astéries du plateau offre une constance affinée, dans le labyrinthe de carrières qui en sous-sol courent le long des vignes. Quelque que soit le millésime, Canon sort des codes : les années chaudes n’entachent pas sa superbe, le calcaire fonctionnant comme une réserve d’eau. L’allure élancée très identitaire du vin construit sa réputation.
Les vins : 2009 et 2010 se sont posés et on pourra commencer à les boire. Le premier propose une masse détendue, plantée sur un tanin extrait qui ne l’empêche pas d’évoluer avec grâce. Son successeur, 2010, se tient sur une fraîcheur saline typique des calcaires. L’onctuosité du 2014 révèle un bouquet floral, sur pointe de cacao. 2018 est gorgé d’un fruit séveux sous la pression minérale si typique du cru. En 2019, le terroir prend le pas sur l’année, même dans la jeunesse du vin. Les tanins calcaires se révèlent sur la finesse, et la finale qui lie subtilement le salin et l’amertume marque l’identité du cru. (RVF, définition exceptionnelle, elle récompense l'alliance de l'excellence et du raffinement entretenus dans le temps long, noté 2*/3)

Depuis le rachat des 22 hectares de Canon par la famille Wertheimer, ce cru bénéficie du travail long et patient de restauration effectué et ce premier de la classe tient avec constance son rang. Le vignoble a été bien remis en état, avec une augmentation sensible de cabernet franc. Les trois derniers millésimes en bouteille montrent une constance de style fort appréciable, des vins élégants, complexes, sans aucune surcharge. Les 2018, 2019, 2020 ont gagné en chair et sont somptueux. (Bettane & Desseauve, producteur exceptionnel qui représente le sommet absolu, noté 4*/5)